Ce qui détruit une personne arrivée à l’âge adulte, ce n’est pas l’échec en soi; de la même façon, ce qui procure de la fierté à une personne qui a du succès, ce n’est pas la réussite en elle-même.
Ce qui détruit une personne qu’on qualifie d’avoir échoué, c’est la déception par rapport à la confiance qu’elle avait de réussir. Cette personne était sûre que, quoi qu’il en soit, elle aurait sa part du gâteau de la vie. Cette confiance était la preuve pour elle de son intelligence, de son audace, de la solidité de son caractère. Et donc, quand s’impose devant elle la réalité de son échec dans la vie, toute cette assurance s’évanouit. La personne se pose mille et une questions et ne trouve pas de réponses. Elle se sent honteuse. C’est la première étape de son anéantissement.
La deuxième étape intervient avec le regard de l’entourage. Cet entourage qui a été préparé à détecter, critiquer, ridiculiser, manquer de respect, insulter, honnir tout ce qui rappelle l’échec d’une vie. Pour un homme, ces signes sont par exemple l’incapacité à prendre soin de soi-même, de sa femme, de ses enfants, de ses parents, l’incapacité à s’offrir une maison, à vivre selon les standards de son temps. Pour une femme, c’est par exemple le fait de dépendre financièrement d’un ou plusieurs hommes, ne pas pouvoir concevoir ou ne pas savoir s’occuper de ses enfants, ne pas faire preuve de dignité et de maitrise de soi concernant sa sexualité.
Le mépris, les commentaires, les allusions, les comportements que l’entourage, la famille, voire le conjoint ou la conjointe et même les enfants affichent envers la ‘‘personne échouée’’ sont le poison qui va la détruire. Il se forme autour d’elle une sorte de prison dans laquelle les autres vont vouloir toujours l’enfoncer plus. Cette personne se retrouvera de plus en plus seule, incomprise, incapable de se justifier, et surtout perdant les moyens et la volonté de changer sa situation.
A l’inverse, une personne qui réussit, selon les critères de la société, tire sa fierté du regard positif, des paroles valorisantes, des commentaires admiratifs, des comportements de respect, des sollicitations pour aides et conseils que l’entourage, les amis, la famille, le conjoint ou la conjointe et même les enfants lui démontrent. Tout cela confirme son intelligence, sa capacité à être astucieux, à savoir s’en sortir dans la vie. De tels ingrédients alimentent son audace. Cette personne acquiert de l’assurance. A vrai dire, tout ne lui est pas si facile que ça, mais le regard et la force qu’elle reçoit de l’entourage lui donnent une bonne raison de continuer à agir sans réserve pour mériter cette récompense encore et encore.
Une personne n’échoue donc pas seule et ne réussit donc pas seule, non plus. Dans des pays aux conditions de vie assez difficiles comme le Togo, faire échouer les gens en détruisant leur courage, leur honneur, leurs efforts devient un moyen que les gens de l’entourage utilisent pour se prouver à eux-mêmes qu’ils sont mieux que celui qui échoue. Et finalement, ce n’est pas faux de qualifier le Togo de vaste panier à crabes, un panier où tout le monde essaie de tirer son prochain vers le fond pour l’empêcher d’avoir une ascension sociale. John
