C’est vrai (chez nous comme ailleurs) que le monde politique compte beaucoup de gens sans foi ni loi. Des gens juste motivés par le goût du gain, un ramassis d’opportunistes. Mais il est tout aussi vrai que l’on retrouve dans ce même monde beaucoup d’hommes et de femmes talentueux, capables d’imprimer une bonne orientation à la société et lui permettre de grands progrès sociaux. Et c’est malheureusement de ces personnes de valeur que regorge le vaste cimetière des victimes de la politique togolaise.
Gilchrist Olympio, Joseph Koffigoh, Alberto Olympio, Koffi Yamgnane, Agbéyomé Kodjo, Dahuku Péré, Charles Kondi Agba (ces trois derniers décédés précocement). La liste est longue et Gerry Taama est en train de les rejoindre, ceux-là dont la carrière politique et les os ont été brisés. Actif, loquasse mais jamais illogique, pédagogique, méthodique, truculent pour faire bouger positivement les choses à l’Assemblée nationale ou chez les jeunes, bon communicateur, romancier…cet homme doué se retrouve dans l’œil du cyclone, happé par le grand tourbillon togolais qui emporte tout sur son passage.
Imaginons un tant soit peu que toutes ces gens que nous venons de citer constituent aujourd’hui des ressources humaines disponibles pour le pays, chacun dans sa façon de voir les choses, mais toujours dans l’intérêt supérieur de la nation. Nul doute que le Togo serait déjà sur une rampe de lancement, prêt à décoller, ou bien il serait même déjà dans les airs, planant loin des problèmes existentiels que sont le chômage, la faim, la mauvaise santé, la misère…
Un peuple intelligent rassemble toutes ses forces pour se lever. Il protège les citoyens et tire le meilleur qu’on puisse tirer d’eux. Il les traite comme une pierre précieuse. Même les handicapés mentaux sont formés et employés. Mais un peuple bête accule ses enfants, les traite comme de la ferraille gakpo gbégblé, les détruit.
Jusqu’à quand et jusqu’où notre cimetière des têtes bien faites continuera-t-il à s’agrandir, prenant aux vivants tout l’espace habitable et toute la terre nourricière ?
Des militaires de valeur, un informaticien ayant dirigé le lancement de la fusée européenne Ariane 5, des économistes géniaux, des écrivains, historiens, hommes d’affaires… autant en a emporté la politique chez nous, laissant souvent le pays exsangue entre les mains d’arrivistes, de militants, de profiteurs, de demi-lettrés, de diplômés sans consistance.
Si quelque chose doit changer au Togo, c’est d’abord cette descente dans la médiocrité et le nivellement par le bas qui se fait à travers l’élimination des gens compétents.
La balle est au pied du chef de l’Etat. Il connaît la politique, il connaît la vie, il connaît les Togolais, il connaît ce qu’il a appris dans les livres. S’il joue bien, le Togo avancera, fort de ses filles et fils. Mais pour le moment, le jeu va mal et il y a trop de blessures infligées aux joueurs. Vivement une vaste opération de moralisation de la vie publique dans ce pays où on confond de plus en plus voyoucratie et politique.
N’djo
